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Atelier Histoires au temps du Covid-19 du 20 au 26 avril 2020
Imaginez une suite au conte"le joueur de flûte de hamelin"
La suite du joueur de flûte de Hamelin
Alors commença une longue période de deuil.
Par surcroît de malheur, les quelques femmes qui étaient enceintes au moment du drame perdirent leur enfant avant la naissance, sans doute suite au grand effroi provoqué par la disparition des enfants.
Les parents se lamentaient, s'accusaient d'avoir été aussi naïfs et cupides et continuaient d'appeler leurs petits disparus dans leurs rêves. Les quelques esprits cyniques qui trouvaient que le village était beaucoup plus calme n'osaient pas l'exprimer devant tant de chagrin.
Quelques années passèrent.
Les habitants tentaient de reprendre le cours de leurs existences habituelles, vaille que vaille.
Cependant, depuis la disparition, aucun nouvel enfant n'était venu au monde à Hamelin.
C'était bien étrange, songeait le nouveau maire. La plupart des habitants restants étaient en bonne santé dans l'ensemble. La plupart des couples endeuillés étaient encore en âge de procréer et il avait célébré plusieurs mariages entre jeunes tourtereaux.
Il décida de se livrer à une discrète enquête et interrogea en catimini quelques villageois.
« - Vous acquittez-vous de votre devoir conjugal ? Demandait-il, tout embarrassé et rougissant, mais en tâchant de garder une allure digne et autoritaire.
- Ben oui, répondaient les villageois. Mais jamais aucun signe de la venue d'un enfant !
- C'est bien fâcheux. De nouveaux enfants ramèneraient une joie véritable au village,
et nous allons bientôt finir par manquer de bras pour les récoltes.
- Nous sommes bien d'accord. Mais on essaye, on essaye et nul poupon ne point ! »
Les prières et processions se multiplièrent. Les habitants tentèrent plusieurs régimes spéciaux censés favoriser la fertilité. Las, nulle grossesse ne se déclarait dans cette triste bourgade.
Un beau jour un cavalier mystérieux se présenta aux portes du village.
Il fut assez mal accueilli :
« - Qui êtes-vous, étranger ? Nous n'acceptons aucun vagabond et surtout aucun musicien !
- Je ne suis ni l'un ni l'autre, rétorqua froidement l'inconnu. Je suis titulaire d'un doctorat obtenu à l'université, membre de la guilde des médecins. » Dit-il en extirpant de sa sacoche une liasse de parchemins.
- Un médecin ? Voilà qui est plus raffiné que nos rebouteux. Entrez-donc, maître. Nous allons vous mener au maire. »
L'inconnu s'entretint avec le maire :
« - J'ai entendu parler de la succession de vos malheurs. Je ne peux pas ramener vos enfants perdus, mais peut-être que la science moderne peut nous aider à combattre l'infertilité qui frappe les habitants.
- mais oui ! Installez-vous chez moi, je vais loger dans ma grange, et menez les travaux que vous voulez ! »
Le médecin ouvrit un cabinet dans la maison du maire, et entreprit de recevoir et d'ausculter tous les couples désireux de concevoir.
Au bout de quelques jours, il convoqua le maire pour lui en faire un compte -rendu.
Il commença par déambuler de long en large de la pièce principale, en marmonnant et en se tapotant le bout des doigts. Le maire était très impressionné.
Enfin le médecin s'arrêta et lui déclara :
« - Comme souvent dans les cas de stérilité, la défaillance est à chercher du côté femelle.
- Assurément. C'est bien connu.
- Mes examens m'ont mené à conclure que, suite au premier drame, le foie des habitantes du village a sécrété un grand excès de bile noire Cette bile, non évacuée, a ruisselé le long de la colonne vertébrale, s'est accumulée comme une flaque entre le sacrum et les crêtes iliaques, et a fini par s'infiltrer dans les organes de la génération attenants à ces structures.
- Je n'ai pas tout compris, là...
- C'est normal, vous n'êtes pas médecin. Bref, pour contrer cette production de bile noire, il faut agir sur la psychologie des patientes, afin que leur foie sécrète des humeurs antidotes qui vont annuler l'effet de la bile et restaurer les fonctions naturelles de leur vase procréateur et de ses annexes.
- Bien sûr ! Ah que vous êtes brillant !
- Je dois donc mener une séance de thérapie de groupe avec toutes les femmes souhaitant se reproduire. Qu'on me les amène, j'en ai pour quelques heures et surtout qu'on ne nous dérange pas. »
Le maire exécuta rapidement les ordres du médecin. Il expédia les femmes dans son ancienne maison, dont les volets étaient clos.
Elles entrèrent dans la vaste salle et s'assirent sur des coussins au sol. Des parfums envoûtants brûlaient aux quatre coins de la pièce. Le médecin siégeait sur un fauteuil surélevé, vêtu d'une simple tunique blanche. Elles le trouvèrent très beau.
Il leur parla longuement, d'une voix douce et grave. Il leur dit qu'elles étaient des êtres magnifiques et rares, qu'il les aimait toutes et qu'il était le seul à offrir un amour véritable.
Il leur parla d'un autre monde, une autre réalité, loin de ce village de malheur.
Lui seul connaissait le chemin vers le monde de la paix et la lumière.
Elles écoutaient, subjuguées, en se balançant doucement au rythme de ses paroles.
Il leur dit que si elles le suivaient, lui obéissaient, elles pourraient peut être accéder à cet autre monde, où bien sûr elles retrouveraient leurs chers petits et connaîtraient de nouveau la joie d'enfanter à profusion.
La séance de thérapie de groupe se poursuivit tard dans la nuit, si bien que les hommes fatigués d'attendre la fin des soins, partirent se coucher.
Le lendemain, au réveil, toutes les femmes avaient disparu, de même que le docteur inconnu.
Elles ne revinrent jamais.
FIN
par Aude
Le joueur de flûte de Hamelin
"Ni le Joueur de flûte ni les enfants ne réapparurent jamais à Hamelin."
Ces radins de bourgeois de Hamelin n'avaient pas voulu payer Ratten Fanger. Même qu'ils l'avaient jeté comme un malpropre !
Il s'était dit que ça ne se passerait pas comme ça.
Nous savons tous ce qui s'est ensuivi. La flûte, tous les enfants envoûtés par la musique, le trajet jusqu'à la montagne de Koppenberg, l'entrée des enfants dans la caverne derrière Ratten Fanger, le son de la flûte qui diminue et disparaît.
Que s'est-il passé ensuite ? Je vais vous le dire.
Lucifer l'attendait au fond de la grotte.
« Que m'apportes-tu ? demanda le Prince des Ténèbres
– J'ai cent trente enfants qui me suivent, corps et âmes. Que me donnez-vous pour eux ?
– Une pièce par tête de pipe !
– Tope là ! »
Lucifer appela ses diablotins :
« Poussez-moi tout ça en Enfer !
Les diablotins protestèrent :
– Mais il n'y a plus de place ! Ils ne sont pas disciplinés ! Ils demandent tout le temps à aller aux toilettes ! »
Devant tant d'agitation sociale, le diable dut reculer...
Il alla trouver Saint Pierre :
– Cher voisin, J'ai des jeunes âmes qui peuvent t'intéresser, pas encore pécheresses, pas encore damnées...
– D'accord ! Je prends ! J'en ferai des angelots !»
Et c'est ainsi que les enfants de Hamelin sont devenus des angelots. C'est normal qu'ils ne soient pas punis pour la radinerie de leurs pères. Il est peut-être même resté quelques places en Enfer pour leurs parents malhonnêtes !
Claude Bourlès
Retable des Dominicains peint vers 1475 par Martin Schöngauer
«
Suite et fin du conte
Ni le Joueur de flûte ni les enfants ne réapparurent jamais à Hamelin. Dans un premier temps, les habitants de la ville vinrent se plaindre au maire de ce mauvais tour. Le cœur brisé, les parents pleuraient chaque nuit à leurs fenêtres. Une semaine passa, puis un mois, puis trois. Les habitants, épuisés par tant de sanglots, se remirent à dormir profondément. Le matin venu, ils s’étonnèrent de se réveiller si tard : nul bambin n’entrait dans la chambre pour sauter sur le lit. Le midi, à la table du déjeuner, ils s’étonnèrent de n’entendre aucun cri ni de voir aucun petit pois fuser à travers la salle à manger. Le soir, assis dans leurs fauteuils près de la cheminée, ils s’étonnèrent de terminer paisiblement leur chapitre de roman : nul gamin ne venait interrompre leur lecture.
Cette nouvelle existence leur parut fort étrange, mais après tout, plutôt satisfaisante. Un an passa, puis trois, puis trente. Les choses étant ainsi faites, les habitants d’Hamelin qui n’avaient pas déjà eu d’enfants avaient procréé à leur tour. Mais tous ceux qui étaient allés se plaindre au maire à l’époque faisaient référence à l’incident sous le nom de Grande Dératisation. Quant au Joueur de flûte, il se mordit les doigts d’avoir noyé les rats et fait danser les enfants, car sur la durée, l’inverse eût été préférable. En effet, sa magie empêchait les enfants de grandir, tout comme elle l’empêchait de vieillir ou de mourir, et il regrettait amèrement sa solitude disparue.
par Kalvine