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textes faits en atelier

Autothanatographie

par Epigraphe

 

            Je suis mort vers 22h55 suite à la collision entre ma boîte crânienne et le pupitre du timbalier à l’arrière de la fosse. J’aurais voulu être timbalier car c’est un tremplin de carrière plein de style et de mesures de silence à compter vers le métier de chef d’orchestre. Une fois chef d’orchestre, j’aurais apprécié vivre vieux et avoir toujours à disposition une machine à café de qualité, avec des capsules, et un bon canapé dans ma loge, peut-être même parfois une douche. Au lieu de tout ça, on m’a fait faire du piano et ensuite de la contrebasse. J’ai compté beaucoup de mesures de silence mais ça ne m’a mené nulle part.

 

            Enfin si, à cette chute dans la fosse, vingt-cinq minutes après la fin du service de répétition, à cause d’un abruti de compositeur qui réécrit son œuvre en cours de production. Ici, à l’Opéra, je ne suis pas contrebassiste, seulement bibliothécaire, c’est-à-dire préposé aux partitions, aux crises de nerfs et aux directives contradictoires. Je fais aussi psy et Powerpoint généalogique. Comprenez que M. X. ayant fait un enfant à Mlle Z. tout en étant marié à Mme Y., en troisièmes noces après deux autres mariages intra-orchestraux, ne parle plus à M. W., l’ex-compagnon de Mlle Z., soliste ici aussi. Il faut prendre note de tous ces événements, mais qui aura quelque chose à dire pour mon oraison funèbre ? Je sais que Mme V. est intolérante au gluten, mais eux ne savent rien de moi.

 

            Pourtant, j’existe sur des centaines et des milliers de pages.

Auto-thanato-graphie

Par Nadège

 

Je suis morte un vendredi, au beau milieu du marché, après avoir fait la queue chez le poissonnier où j’avais commandé des coquilles St-Jacques pour le réveillon, ils allaient être bien embêtés.

Mais je n’avais rien prémédité, et pour tout dire, j’ai été la première surprise.

J’avais dans la main mon cabas fétiche à rayures roses-vert-jaune. Je l’ai vu glisser puis s’étaler à mes pieds, les oranges ont roulé sous l’étal du poissonnier où je les ai rejointes. Ça m’a rappelé les arbres de Noël de mon enfance, à la salle des fêtes municipale, quand on nous donnait à chacun une orange emballée dans du papier doré.

Il parait qu’on sait qu’on va mourir quand on voit toute sa vie défiler. Moi revu la liste des courses que j’avais oubliée sur la table de la cuisine ; comme testament vous avouerez que c’est un peu léger.

AUTOTHANATOGRAPHIE


 

Je suis désormais bel et bien morte. Je peux même dire ; morte et enterrée.

Je revendique fièrement une mort digne, calme et sans drame.

Assise dans mon fauteuil j'ai savouré le souvenir de cette soirée partagée avec mes filles.

Elles venaient de me quitter. Je les avais embrassées puis remerciées pour ce moment de bonheur.

Un repas toutes les trois, comme avant, du temps de leur enfance.

Assise dans mon fauteuil, droite, vêtue de la robe offerte par elles il y a longtemps, j'ai fermé les yeux.

Je suis heureuse d'avoir pu leur dire tous les mots.

Les mots de leur histoire. Les mots de mon histoire.

Et les objets.

A chacune j'ai confié un petit trésor.

A l'une un coquillage. A l'autre un beau galet.


 

Par Cécile

Autothanatographie

 

Par Géraldine Pichon

 

Je suis morte. Enfin c'est ce qu'on m'a dit parce que moi je ne me suis rendue compte de rien !

Tout est tellement beau, doux et lumineux ici, que le souvenir des souffrances de ma condition humaine paraissent être un trait de plume dans l'histoire de ma vie sur terre. Les peurs sont devenues des grains de sable sur la plage de mes émotions.

La colère ? Une bougie qui m'éclaire. La tristesse ? Le flot de la vie qui s'écoule.

Non vraiment la naissance c'est bien pire que la mort. Quand on pense que notre conscience doit se contraindre à vivre dans ce petit corps qui va lui-même sortir étriqué, balloté dans un trou noir en lieu et place de la bulle cotonneuse offerte par le ventre de notre mère.

M'enfin, ma mort, même pas mal. Il faut dire que j'ai bossé toute ma vie pour la réussir : quête thérapeutique, spirituelle, artistique… Tout ça pour quoi ? Pour accepter ma condition humaine et être prête au moment de partir. Sauf que ce jour-là je n'ai rien vu venir, en plein fou rire et hop partie, envolée. Ils n'ont rien compris… Comme d'habitude !

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